La Thaïlande pourrait devenir d'ici à 2029, le nouveau temple du jeu en Asie. C’est en tout cas l’objectif affiché par le gouvernement thaïlandais qui vient d’adopter un projet de loi légalisant les casinos et les jeux d’argent dans le Royaume. L’initiative portée par le ministère des Finances vise à dynamiser le secteur touristique et à renforcer l’économie, tout en combattant les casinos clandestins, véritable fléau et qui échappe au contrôle de l’État.
Comme le sujet est polémique, la Première ministre thaï Paetongtarn Shinawatra s’est bien gardée de parler de « casinos ». Le texte évoque plutôt des « complexes de divertissements », une manière d’apaiser les craintes dans une société à majorité bouddhiste, préoccupée par les conséquences néfastes des jeux d’argent — dépendances et endettement en tête – et qui font des ravages dans certaines familles.
À priori, les casinos seront implantés sur cinq sites. Deux à Bangkok, la capitale, et trois autres à Pattaya, Chiang Mai et Phuket. Ils devront obligatoirement faire partie d’un complexe de loisirs, englobant un hôtel, une salle de congrès, un centre commercial ou un parc à thème pour attirer des familles.
Les casinos seront interdits aux moins de 20 ans, gratuits pour les étrangers et payant pour les Thaïlandais qui devront débourser 140 €.
Promouvoir le tourisme et lutter contre les jeux de hasard illégauxLa question de la légalisation des casinos est un serpent de mer en Thaïlande qui a interdit les jeux en 1935. Seuls la loterie nationale et les courses de chevaux sont autorisés par l’Etat. De nombreuses administrations ont tenté dans le passé de rouvrir les débats sans réussir à aller plus loin, en raison de l’opposition d’une partie de la population. L’argument du gouvernement, entré en fonction en septembre dernier, est avant tout économique. Le tourisme étant le principal moteur économique du pays, les casinos pourraient attirer davantage de touristes étrangers, ce qui permettrait de renflouer les caisses de l’Etat en taxant cette activité lucrative. Bangkok prend comme modèle Singapour, où l’industrie du jeu a stimulé le tourisme et considérablement augmenté la croissance économique de la cité-état.
L’autre argument est juridique, la Thaïlande espère ainsi réglementer les activités illégales et mettre un frein aux casinos qui pullulent à la frontière avec la Birmanie, le Cambodge ou le Laos.
Impact pour les voisinsForcément, le projet thaïlandais est scruté de près par Singapour ou les Philippines, qui tirent d’énormes bénéfices de ce secteur chiffré en milliards d’euros. Macao n’a pas de soucis à se faire, car il reste le champion hors catégorie en Asie, l’industrie y avoisine les 28 milliards d’euros. Pour concurrencer les voisins et attirer les opérateurs, Bangkok envisage un taux d’imposition de 17 %, soit le plus bas d’Asie.
Si les casinos deviennent légaux dans le Royaume, l’impact pour le Cambodge sera considérable, car l’écrasante majorité des joueurs dans ses casinos le long de la frontière sont thaïlandais. Entre 30 et 40 casinos pourraient mettre la clé sous la porte. Manille pourrait également mécaniquement avoir une baisse de recettes, le président Marcos envisage déjà d’autoriser l’ouverture de nouveaux complexes hôteliers avec casino pour attirer les touristes.
Une chose qui ne changera pas, selon les spécialistes de l’économie souterraine : les casinos visent avant tout une clientèle étrangère fortunée et la légalisation n’éliminera certainement pas les jeux de hasard clandestins, qui continueront à entrainer dans la spirale de la dette des milliers de Thaïlandais accros aux jeux.