Au Japon, la chaîne Fuji TV est contrainte, sous la pression d'un de ses principaux actionnaires, d'ouvrir une enquête sur l'un de ses présentateurs les plus célèbres à la suite d'allégations « d'inconduite sexuelle ». Masahiro Nakai, 52 ans, une ex-star du boys band « SMAP », très populaire dans les années 1990, aurait versé à une femme une somme de 550 000 euros pour régler, ce que les grands médias, très prudents, qualifient de « problème sexuel ». Il aura fallu qu'un fonds d'investissement américain et actionnaire important de Fuji TV appelle publiquement la chaîne de télévision à « clarifier les faits », pour que le scandale éclate.
Avec notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles
Dalton Investments, le fonds américain qui contrôle 7% du capital de Fuji TV, condamne le géant japonais des contenus multimédias, pour avoir ignoré les allégations à caractère sexuel concernant l'une des célébrités les plus populaires du Japon. « Vos lacunes dans le compte-rendu des faits sont impardonnables », s’indigne Dalton dans un communiqué, « cela sape la confiance des téléspectateurs et réduit la valeur des titres des actionnaires ». La star a versé 500 000 euros à une femme, conclu avec elle un accord de confidentialité, sans doute pour régler ce que les médias qualifient de « problème sexuel ». Fuji TV dit avoir « annulé pour le moment », l'émission hebdomadaire animée par Masahiro Nakai en attendant les résultats de l'enquête. L'agence artistique du présentateur assure que « la star n'avait jamais eu recours à la force, ni n'était devenue violente ».
15% de chute en bourse : les retombées du scandale Fuji TVL'indignation publique du fonds d'investissement américain incite de grandes marques comme Toyota, McDonalds, le géant des superettes 7-Eleven, à retirer leurs spots publicitaires de Fuji TV. Le journal Nikkei, la bible des milieux d'affaires japonais, indique que vingt autres grands annonceurs, des compagnies d'assurance, des opérateurs ferroviaires qui placardent dans les wagons de trains et métros des publicités rehaussées du portrait de la star, boycottent, eux aussi, Fuji TV. Sur la plateforme d'investissement en ligne Smartkarma, les analystes révisent à la baisse leurs évaluations des médias cotés en bourse pour lesquels travaille l’ex-star du boys band « SMAP ». Une émission de la chaîne Nippon TV co-animée par Masahiro Nakai a été diffusée, cette semaine, mais sans ses apparitions, elles ont été coupées au montage.
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Le fondateur de Johnny & Associates au cœur d’un héritage troubleJohnny Kitagawa, décède en 2019, il avait violé plusieurs centaines de garçons âgés de 8 à 15 ans qui rêvaient de devenir des idoles de boys band. Ses infamies étaient connues depuis longtemps. Mais il aura fallu la diffusion, en mars 2023, d’un documentaire de la BBC pour que les langues se délient. Une journaliste japonaise qui accusa de viol un journaliste influent de la chaîne TBS proche d'un ancien Premier ministre, Shinzo Abe, éprouva toutes les peines du monde à convaincre les médias et la justice de prendre au sérieux ses accusations. Le harcèlement sexuel a longtemps été un tabou au Japon. Ça l'est moins. Même si le mouvement « Metoo » n'a aucune influence ici. L'industrie du showbiz a été secouée par d'autres scandales. Les Japonaises commencent à parler des violences sexuelles. Pourtant, selon la police, 95% des viols ne sont pas dénoncés. Et la réaction des grands médias reste insuffisante. La preuve par ce dernier scandale en date de Fuji TV.
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