À Genève, ces douze musiciens anticonformistes se font l’écho du possible voyage, cet été, d’une centaine de zapatistes mexicain.e.s pour des rencontres entre mouvements de résistance, de l’Espagne à la Russie, visant à obtenir « la destruction du capitalisme ».
« We’re OK, but we’re lost anyway. » Le titre du cinquième album de L’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, à paraître le 2 juillet sur le label Bongo Joe, mériterait d’apparaître sur des milliers d’affiches aux quatre cents coins du globe, tant la formule résume notre sentiment après quinze mois de crise sanitaire. Pas de grandes remises en question pour le très attendu « monde d’après », juste un retour à l’anormal et le durcissement des discours politiques. De quoi rester, en effet, « perdus, quoi qu’il arrive », comme le chante en 2021 les douze membres de cette fanfare exploratoire à géométrie variable formée quinze ans plus tôt par le contrebassiste Vincent Bertholet, qui confie parfois : « À la base, le but était de faire un groupe de rock avec de la marimba. » Divers instruments se sont greffés pour repeindre notre monde de couleurs funk, soul, jazz, pop, dub, post-punk, highlife ou samba.
Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp : le nom, déjà, ne laisse guère indifférent les amateurs de curiosités hybrides, brassant la fièvre de légendaires combos africains (OK Jazz au Congo, Poly Rythmo au Bénin) et l’héritage anticonformiste de « l’anti-artiste » autodidacte, peintre et plasticien pataphysic-oulipien, qui demanda un matin : « Faut-il réagir contre la paresse des voies ferrées entre deux passages de trains ? » Sur son morceau Flux, l’OTPMD, lui, vocalise d’un ton monotone, équipé d’une cadence afro-beat striée de riffs à la Tortoise : « Des containers européens remplis de pommes pour la Chine croisent dans l’océan Indien des containers chinois remplis de pommes pour l’Europe. Ah ? Ah ? De jeunes paysans africains partent ruinés vers l’Europe, pour cueillir des tomates qui sont envoyées en Afrique. Ah ? Ah ? Oui, oui, oui, oui. »
Grimpant sur L’Arche de Nova, Vincent Bertholet se fait l’écho du possible voyage, cet été puis cet automne, de zapatistes mexicain.e.s à travers l’Europe, de l’Espagne à la Russie. En janvier dernier, des insurgé.e.s du Chiapas publiaient une « déclaration pour la vie », appelant à des rencontres entre des mouvements de résistance avec, pour but, « la destruction du capitalisme ». Le 2 mai, le voilier « La Montagne » a quitté le Mexique avec à son bord « quatre femmes, deux hommes et une personne transgenre » en direction de Madrid, pour une arrivée prévue le 13 août, cinq cents ans après « la prétendue conquête du Mexique » ; cette aventure est d’ores et déjà racontée en bande dessinée par Lisa Lugrin, à lire sur le site de Mediapart. De nombreux collectifs, présents par exemple sur la ZAD de Notre-Dame des Landes, sont impatients de les accueillir.
Comme l’explique le magazine radical Basta !, ces sept dé-conquistadors devraient être rejoints par plus de cent militant.e.s, « aux trois quarts des femmes », puis par des membres du Congrès national indien et du Front des villages en défense de la terre et de l’eau. Le fondateur de l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp imagine alors les conséquences inespérées de « l’escadron 4-2-1 » : sanglots des dirigeants européens et « démantèlement des grands empires commerciaux au profit d’initiatives paysannes locales ». Soon, we’ll be OK !
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour lire la BD de Lisa Lugrin, c’est là : https://blogs.mediapart.fr/le-voyage-pour-la-vie
Pour écouter une utopie d’Iroquois anarchistes, contée par...